Crise du logement : l’instauration d’une surtaxe sur les terrains vacants est essentielle !
- René Bouchard
- 30 août 2023
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 12 févr.

En pleine crise du logement locatif, plusieurs terrains vacants répartis un peu partout sur
le territoire montréalais, sont laissés à l’abandon depuis plusieurs années. Bizarrement, alors
que la demande de nouveaux logis n’a jamais été aussi forte, les propriétaires ne
semblent ni motivés à construire, ni à vendre ces terrains. Pourquoi ?
Pourtant, les propriétaires devraient payer des taxes élevées puisque que la plupart de ces terrains sont situés sur des rues ou secteurs à fort potentiel commercial. Comment se fait-il que, dans un contexte de rareté de logements, les propriétaires préfèrent l’immobilisme apparent plutôt que de passer à l'action ?
Le texte qui suit explore l'un des aspects de la problématique et propose une solution judicieuse pour la Ville de Montréal.
NOTE : Une mise à jour importante a été effectuée le 19 septembre 2023
UNE DÉCOUVERTE PLUTÔT SURPRENANTE
Dernièrement, j’ai effectué une recherche sur un terrain laissé vacant depuis plusieurs années. (Ce n'est pas celui publié en haut de page. (*1). Mon objectif étant d’explorer la possibilité d’y développer un projet de coopérative d’habitation. Je devais, dans un premier temps, connaître la valeur du terrain et les montants de taxes à payer annuellement. Pour ce faire, j’ai consulté la base de données du rôle de l’évaluation foncière la Ville de Montréal.
En analysant les comptes de taxes de ce terrain dont je tairai les coordonnées pour l’instant, j’ai découvert ceci : contrairement à ce que l’on peut s’imaginer, les taxes à payer sur ce terrain ont diminué de la moitié (de 35,000$ à 17,000$) au fil des ans et la valeur foncière à augmenté de près du double, soit de 850 000$ lors de l’acquisition il y a une dizaine d’années à 1 500,000$ en 2022. (Les chiffres ont été modifiés pour l'exercice en cours mais respectent les proportions comptables des comptes de taxes consultés.)
Poussons plus loin l’analyse. La valeur imposable de ce terrain en 2021 était de 1 100,000 $ et celle de 2023 de 1 300,000$, donc une augmentation d’environ 200,000$ sur 2 ans. (1 500,000 $ au rôle 23/25)
Alors que la valeur imposable de l’immeuble augmente de 100,000$ par année, le compte de taxes n’augmente que de 900$, comme en témoigne le tableau ci-bas.

En résumé : pour chaque tranche de 100,000$ d’augmentation de la valeur foncière, le propriétaire n’aura qu’à débourser un montant ridicule de 900$ supplémentaire au compte de taxes annuel.

Au mois de septembre 2023, suite à une demande d’explication verbale (résumée dans un texte (*2), de ce phénomène à la Ville lors de l'assemblée du Conseil d’arrondissement du 5 septembre, la présidente du comité exécutif a eu la gentillesse de me répondre par courriel ainsi :
«Il s'agissait autrefois d'un terrain dont l'usage était NON RÉSIDENTIEL (ou commercial).
L'usage commercial ayant été abandonné, il est maintenant considéré comme un terrain vague desservi.
Le taux de taxe pour les immeubles (terrains) non résidentiels est environ 2 fois plus élevé que le taux
appliqué aux terrains vagues desservis. Ceci explique la baisse de la valeur totale
des taxes appliquées audit terrain.» (*3)
Nonobstant cette nouvelle compréhension de la fiscalité municipale qui ne change rien au fait que pour l'instant, ces rendements théoriques (10% et + / an) se comparent avantageusement à ceux de la Bourse, la monnaie cryptographique et autres types de placements hautement spéculatifs. S’il va de soi que le propriétaire ne pourra encaisser son profit que lors de la vente du terrain l’augmentation de la valeur foncière est réelle et ne coûte pratiquement rien en taxes, dans un tel contexte, pourquoi construire ?
UNE CRISE QUI S’ACCENTUE, DES TERRAINS INACCESSIBLES POUR LA CONSTRUCTION
Si l’on applique le même raisonnement pour l’ensemble des terrains vacants sur le territoire de la ville de Montréal, imaginons le pactole comportant des millions de dollars qui s’engouffrera tôt ou tard dans les poches des spéculateurs. Pendant ce temps, des bâtiments laissés à l’abandon enlaidissent l’environnent visuel des quartiers au détriment des locataires qui attendent la construction de nouvelles unités d’habitation et/ou de logements sociaux. Moins accessible et de plus en plus cher, le logement devient un véritable casse-tête pour les familles qui se trouvent sur la voie de la précarité.
Selon la Société d’habitation du Québec, on comptait en date du 31 juillet, 281 ménages en hébergement temporaire. Cela confirme la tendance observée depuis quatre ans et il faut noter que le gouvernement Legault est au pouvoir depuis 5 ans et la situation ne cesse de se détériorer.

À l'instar du bâtiment utilisé pour l'image en haut de page, ce n'est pas ce terrain situé sur la rue de Bellechasse / Christophe- Colomb qui est cité en exemple, mais qui illustre la problématique qui sévit dans les rues de Montréal.
UNE SURTAXE SPÉCIALE À INSTAURER D’URGENCE !
Suite au Sommet de l’habitation qui s’est tenu en août 2022, le maire de Laval songeait à imposer une surtaxe aux propriétaires de terrains vacants et la mairesse de Montréal ne semblait pas en désaccord.
Lorsque l’on approfondit les visées de Stéphane Boyer, on apprend que ce dernier désirait surtout freiner l’appétit des spéculateurs qui achètent les terres agricoles pour les convertir en quartiers résidentiels. En revanche, plusieurs municipalités ont eu recourt à cette stratégie pour financer leurs opérations courantes et accélérer leur développement.
Bizarrement, la ville de Montréal ne semblait pas sentir l’urgence de procéder à la mise en place d’une telle mesure pour accélérer les mises en chantier. En 2023, un comité a été créé mais celui-ci proposait une taxe sur les «logements» plutôt que sur les «terrains» vacants et le document de consultation budgétaire 2023, ne faisait nullement mention de ce nouveau pouvoir de taxation.
Heureusement, la Ville semble avoir changé de stratégie et annoncé qu’elle faisait d’ores et déjà des représentations auprès du MAMH afin de pouvoir hausser davantage la taxe sur les terrains vagues desservis, afin d'en encourager le développement immobilier. (*3)
N’ayant pas eu accès au contenu des présentations, j’ignore l’importance des hausses demandées. Il est toutefois grand temps de passer à l’action car l’efficacité de ces mesures peuvent prendre des années avant d’obtenir les résultats escomptés. La plupart de ces propriétaires sont bien nantis et peuvent patienter indéfiniment puisque l’immobilisme s’avère être très profitable. Cette surtaxe se doit d’être progressive, soutenue par des pourcentages contraignants auxquels s’ajoute une limite formelle de temps, avec possibilité d’expropriation et/ou recours au droit de préemption.

Un autre terrain vacant de l'arrondissement Rosemont situé au coin des rues Iberville et Masson. Ce n'est pas le terrain cité en exemple mais représente une belle opportunité pour y aménager du logement social.
CONTRER LA SPÉCULATION POUR AMÉLIORER LA VIE DES GENS
À titre d’exemple, le taux de taxe sur le terrain qui a fait l’objet de cette analyse, tourne autour de 1 % et moins par année selon certains critères d’imposition. Or, si ce taux augmentait minimalement de 1% chaque année, soit 2 % pour la seconde jusqu’à 5% et + pour la cinquième et dernière année (limite de temps à déterminer) avant que la ville (ou un promoteur immobilier communautaire) ne prenne les dispositions nécessaires pour acquérir le terrain, il est probable que les propriétaires soient davantage motivés à vendre ou à construire.
Puisque nous sommes en situation d’urgence, ces majorations de taux gageraient à être doublées, voire triplées pour équivaloir à la valeur de l'augmentation des gains fonciers. Cette disposition sonnerait le glas définitif à la spéculation abusive de la part de certains promoteurs immobiliers.
Montréal peut donc aller de l’avant d'autant plus que la Ville ferait «d'une pierre, trois coups» : En plus d’augmenter ses sources de revenus qui stagnent actuellement, la fin de ce statuquo spéculatif permettrait d'accélérer les mises en chantier et finalement, redonner espoir aux milliers de gens qui subissent les affres de cette crise qui n'en finit plus de s'éterniser !
Le terrain qui a servi d’exemple pour cette démonstration a été acquis il y a une dizaine d’années ans et rien n’indique qu’une mise en chantier est en voie de réalisation. Or, tant et aussi longtemps qu’une pelletée de terre n’aura pas été annoncée, il est encore possible de relancer le projet de coopérative imaginé précédemment.
Ça tombe bien, les gouvernements semblent enfin comprendre l’ampleur de la crise et les propositions énoncées précédemment devraient faire partie de la solution….
René B.
(P.-S.) Pour obtenir l’adresse exacte du terrain qui a servi d’exemple ainsi que les documents fiscaux utilisés pour la démonstration, prière de me contacter.
*1 L'édifice affiché en page couverture n'est pas celui qui fait l'objet de cette analyse.
*2 Texte de la question posée au Conseil d’arrondissement du 5 septembre.

*3 Réponse de la ville pour expliquer l’importante baisse de taxes sur le terrain vacant.

LIENS À CONSULTER
Sommet de l'habitation: les municipalités demandent de nouveaux outils : Taxation sur la spéculation
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