La révolte qui n’aura malheureusement pas lieu !
- René Bouchard
- 17 déc. 2023
- 10 min de lecture
Dernière mise à jour : 7 mai 2024
À l'instar de Camus qui propose la révolte comme réponse à l'absurdité
de la vie, s'insurger collectivement serait une option à considérer pour
contester l'aberration des politiques gouvernementales qui ont
pour effet de provoquer les crises du logement.

Une crise globale, permanente et annoncée ; - (
S’il va de soi que la plupart de mes ami.e.s, dont l’âge devrait tourner autour des 70 ans ne sont pas concernés par des évictions de logements ou des changements de vocation dans leurs RPA, un fait demeure : les conséquences des politiques irréfléchies du gouvernement Legault vont finir par atteindre tout le monde, même ceux et celles qui sont propriétaires de leurs maisons depuis longtemps.
Il faudra bien en sortir un jour de sa chaumière bienaimée, mais pour aménager où ? Par ailleurs, ces mêmes ami.e.s ont des enfants, possiblement âgés dans la trentaine et s’ils se ruinent pour se loger ou sont incapables d’acheter une maison, auront-ils envie de fonder une famille dans de telles conditions ?
Dans les faits, les gens honnêtes n’ont rien à gagner dans cette stupide crise de l’habitation. La partie de Monopoly dans laquelle nous sommes tenus de jouer, ne sert que les les intérêts des spéculateurs et la de racaille qui s’y trouve associée, notamment pour procéder aux évictions illégales et les rénovictions.
En décembre 2023, les médias rapportaient «qu’aucune région du Québec n’y échappe : les évictions forcées ont explosé de 132% en un an et sont passés de 1,525 en 2022 à 3,531 en 2023, a calculé le RCLALQ».
Malheureusement, nos gouvernements, surtout celui de Québec, encourage ces comportements associaux par des législations favorables aux propriétaires tels que la loi 31, de là l’idée qu’il faudrait se révolter collectivement !

En seulement 2 ans, le coût des logements a explosé. Pourquoi ?
Même si présentement, j’habite un petit logement à un coût raisonnable avec en prime, des proprios honnêtes et sympathiques, je ne peux m’empêcher de penser aux milliers de citoyens qui n’ont pas cette chance et qui vont vivront le calvaire des mal-logés encore pendant plusieurs années.
Par chance, j’ai pu aménager dans mon appart juste avant la pandémie et j’y réside encore. Je n’ai donc pas eu à «magasiner» un nouveau logement au cours des deux dernières années, marquées par des hausses exponentielles du coût des loyers. Par contre, ceux et celles qui ont dû aménager dans un nouveau logis pendant cette période, ne l’ont sûrement pas trouvé drôle !
En juin 2023, le Journal de Montréal titrait sa une ainsi : Explosion des prix des loyers au Québec : une hausse record de 13,7% en un an et dans certaines villes, les loyers ont augmenté de 44% en une seule année. Et selon d’autres sources médiatiques, ce sont des augmentations du simple au double et dans un quartier comme le mien, lorsque l’on connaît le coût moyen des loyers avec une ou deux chambres, force est de constater que les augmentations dépassent souvent les 30%, même si aucune amélioration ne semble avoir été apportée au logements.

Pourtant, selon les recommandations du TAL, les propriétaires n’ont le droit d’augmenter le prix de leurs loyers en moyenne que de 2,3 % jusqu’à 4,5 % si le logement est chauffé au gaz. Afin de saisir l’importance de ces fluctuations, le site web d’Appartogo, la plus grande plateforme de location immobilière au Canada, rapporte que pour l’arrondissement Rosemont-La Petite-Patrie, le coût moyen pour un 3 1/2 est rendu à 1 647$ et pour un 5 /1/2 de 2 180$. Possiblement une augmentation doublée au cours des deux dernières années. .
D’autres sources statistiques, tel que le RCLALQ, observait dans un rapport, en date de juin 2022, un loyer moyen de 1,393 $ par mois sur l’île de Montréal. Quant à la SCHL, les nouvelles données démontrent qu’il y avait un écart de 28 % entre le loyer moyen de ceux qui sont locataires (963$) à Montréal et le loyer à payer pour de nouveaux locataires pour le même logement (1,235 $)
La médiane de ces évaluations pourrait se résumer ainsi : les augmentations de loyers abusives fluctuent entre 13% pour le Québec en général (10,2% à MTl) et jusqu’à 28% pour certains secteurs du Grand Montréal alors que le TAL limite à un max de 4% d’augmentation.
Sans oublier le fait que les propriétaires doivent - il s’agit d’une obligation légale - indiquer sur le bail le prix que payait l’ancien locataire, soit la fameuse clause «G».
Quelle est donc l’origine de cette frénésie, cet appât de gain illimité ?
Deux millions de bonnes et mauvaises raisons inhérentes à la logique d'une offre déficiente soumise à une demande exacerbée par cette crise en sont les principales causes, mais je me contenterai d’explorer celles-ci : l’impunité, sinon la complicité gouvernementale.
D’entrée de jeu, stipulons que les spéculateurs et propriétaires d’immeubles à logements n’ont évidemment qu’un objectif en tête : faire un maximum de profits sur leurs investissements. Par malheur, au Québec et contrairement à ce que l'on croit, il n’y a pas de loi qui fixe un taux maximal (hormis les exceptions) qui limite les hausses de loyer.
Néanmoins, la Régie du logement propose des pourcentages d’augmentation jugés raisonnables que les locataires peuvent contester par la suite. Si une demande de révision s’effectue dans le mois suivant la réception de l’avis de modification du bail, les locataires bafoués peuvent avoir gain de cause et ainsi obliger le propriétaire à diminuer la hausse injustifiée.

Par contre, lorsque qu’une personne est à la recherche d’un logement et veut connaître le montant payé par le locataire précédent, rien n’est moins sûr. Même si la Régie oblige les locateurs à indiquer le montant payé précédemment sur le bail, la plupart ne s’y conforment pas ou indiquent un montant erroné. Le nouveau locataire doit donc se résoudre à payer plus cher que son prédécesseur sans être en mesure de comparer formellement quoi que ce soit.
Voici ce qui explique - du moins partie - l’explosion du coût des loyers ainsi que les pressions exercées par la CORPIC sur la Ministre de l’habitation pour qu’elle révoque la possibilité de céder les beaux (cession de bail) entre locataires. En éliminant cette dernière barrière pour contrer les augmentations abusives, les Top Gun du Monopoly vont passer à GO et empocher des fortunes puisque les nouveaux locataires n’auront aucune idée des montants payés précédemment.

À cet égard, l’organisme Vivre en ville a développé le Registre des loyers, une plateforme en ligne qui cumule les données des logements en location. Quiconque peut y indiquer le coût payé pour son loyer et les gens à la recherche de logements ont accès gratuitement aux informations de cette base de données.
La CAQ, comme il est coutume, a refusé de recourir à cet outil fonctionnel et a rejeté la possibilité de modifier une une loi qui autoriserait la plateforme de Vivre en ville de se connecter aux données du Ministère du revenu, même si plusieurs municipalités se disent en accord avec cette possibilité.
Lorsque les locataires deviennent des « objets » de spéculation
L’une des conséquences de cette usurpation des mécanismes de régulation, c’est la nature même de la relation entre les deux partis qui se transforme. Ainsi, un être humain payant pour un service (location de logement) devient - telle une voiture garée dans un terrain de stationnement - un simple objet de spéculation. Comme il a été mentionné précédemment, les principales victimes de cette déshumanisation sont ceux et celles qui sont à la recherche d’un logement et qui n’ont d’autre choix que d’accepter les exigences du propriétaire.
Mais qu’en est-il des locataires qui vivent dans leurs logements depuis longtemps en ne déboursant que les augmentations annuelles permises par le TAL ?
Ces gens vivent sur des sièges éjectables. Compte tenu du fait que leur départ pourrait signifier des augmentations pouvant aller jusqu’à 28% (Île de Montréal), les spéculateurs n’hésitent plus à effectuer les pires bassesses. Qu’il s’agisse de reprises illégales, d’évictions cruelles de personnes vulnérables ou intimidations incessantes dans l’espoir qu’ils ou elles quittent leurs apparts pour les remplacer par de nouvelles victimes de ce marché de dupes, tout est permis. En augmentant le coût des loyers, l’édifice qui appartient au propriétaire gagne en valeur foncière et la boucle de spéculation se perpétue à l’infini, et ce en toute impunité.
Bizarrement, il y a peu de condamnations promulguées par le TAL pour ces outrages à la règlementation et ce qui surprend davantage, c’est le peu d’empressement des ténors du gouvernement Legault à condamner publiquement ces comportements méprisables. Et si cette manière d’agir s’arrimait à certains objectifs politiques ?
L’influence insoupçonnée des déclarations politiques du PM
En guise de réponse à un journaliste qui demandait au PM si le fait que Québec rattrape l’Ontario pour l’augmentation de la valeur de l’immobilier était une bonne nouvelle ? Francois Legault lui répond en affirmant «que la hausse des prix de l'immobilier et des loyers, découlent d'une situation économique plutôt enviable.»
«Si les salaires moyens augmentent, le prix des maisons va augmenter. Je souhaite pas que le Québec reste pauvre pour qu'on garde un prix des maisons plus bas que Toronto ou Vancouver.»
Cette déclaration a fait réagir plusieurs journalistes dont Philippe Vincent Foisy de LCN : «Cette affirmation ne peut être vraie puisque en analysant les chiffres disponibles, ce ne sont pas les salaires qui ont fait augmenter le prix des maisons, c’est autre chose »
«Entre 2010 et 2020 le prix des maisons a augmenté de 2 fois plus vite que le prix des salaires. En 2021, le prix des maisons a augmenté de 24 %, les salaires de moins de 10% et en 2022, le prix des maisons a augmenté de 14%, les salaires de 4%.»

En fait, Legault se livre à un surenchère sophistique délitante lorsqu’il aborde le sujet de d’habitation : « Nous devrions nous réjouir de constater que le prix des maisons et des logements augmente !»
Qui peut tirer profit de ces augmentations discutables ?
À ne point douter que ce sont les alliés (ex-clients ?) de la ministre Duranceau tels que la CORPIC et autres promoteurs immobiliers qui profitent des bourdes affairistes de Legault, et pour cause. Lorsque les propriétaires d’immeubles bafouent la règlementation de la Régie (Ex. clause G, augmentations abusives, menaces liées aux évictions, etc.) ils sont parfaitement conscients de l’illégalité, sinon de l’immoralité de leurs gestes.
Mais pendant qu’ils procèdent à leurs manigances spéculatives, ils entendent leur Premier ministre clamer haut et fort que nous devrions nous réjouir que les loyers augmentent, que le Québec va bientôt rejoindre le coût de la vie de l’Ontario ! Ces déclarations intempestives et répétées finissent par légitimer le comportement des spéculateurs. Ces derniers ne contreviennent donc plus à la règlementation, ils s’associent de bonne foi à la volonté de leur PM.
Si cette théorie peut sembler loufoque, Aurélie Lanctôt, chroniqueuse au Devoir a publié le 16 juin 2023, un texte dont le titre « Protéger les propriétaires quand le logement est en crise », confirme en partie les craintes exprimées précédemment.
* Il faut noter que le contenu de ce texte n’a jamais été contredit et Mme Lanctôt n’a jamais été accusée de désinformation.
«La crise permanente (du logement) est au coeur de sa politique (La CAQ). C’est une occasion d’affaires autant qu’un projet social, soit celui d’affirmer la domination de la classe qui possède sur les autres.»
«On a beaucoup dit de la ministre, de sa prédécesseure et de ce gouvernement en général qu’ils étaient « déconnectés » de la réalité de la crise du logement. Ils ne le sont pas. Ils savent très bien ce qu’ils font. Leur volonté est claire, transparente : marchandiser le logement au possible, favoriser la spéculation sur les biens immobiliers, déléguer aux acteurs privés jusqu’à la tâche de fournir des logements sociaux.
Ce n’est pas une erreur, pas un malentendu. En bon gouvernement de patrons, ils donnent simplement force de loi à leur propre conflit d’intérêts.»
Et maintenant comment se sortir de ce bourbier ?
La CAQ est malheureusement au pouvoir pour les trois prochaines années et malgré un éventuel remaniement ministériel souhaité par plusieurs journalistes, dont la chroniqueuse Josée Legault, la personne qui remplacerait France-Hélène Duranceau, aurait-elle le pouvoir de changer la stratégie gouvernementale ? À moins d’un revirement majeur, rien ne laisse présager la mise en oeuvre une politique axée sur le développement social plutôt que de servir les intérêts des promoteurs immobiliers.
On peut toujours espérer, mais rien n’est moins sûr pour une raison fort simple : malgré les efforts des oppositions à l’Assemblée nationale pour diminuer les impacts négatifs du projet de loi 31, le rouleau compresseur Caquiste va aller de l’avant comme avec le projet de loi 23, en éducation contre la volonté des oppositions, et le bâillon de fin de session pour la loi 15, dans le secteur de la santé.

Cette arrogance gouvernementale mériterait que le «bon peuple» se révolte, mais ça ne se produira pas. Pour bon nombre de citoyens (et/ou politiciens-nes ?) le logement à coût raisonnable, c’est un problème de «pauvres» qui ne les concerne pas. L’individualiste et le «chacun pour soi» ambiant, dans un contexte de morosité quasi-permanente, fait en sorte que les gens tourneront le regard vers les problèmes qui les concernent dans l’immédiat.

Il ne reste que la solidarité de ceux et celles qui considèrent qu’il est inacceptable de tolérer cette misère dans un pays riche. Plusieurs organismes militent pour améliorer le sort des mal-logés, offrent des services et organisent des manifestations. On n’a qu’à penser aux comités logement, le FRAPRU et ses campagnes de sensibilisation et autres organismes communautaires spécialisés en droit au logement.

Il est également possible de valoriser les instances politiques qui mettent de l’avant des solutions pour diminuer les impacts de cet imbroglio. La Ville de Montréal procède à l’achat de bâtiments et de terrains vacants pour les extirper du marché spéculatif, QS fait un excellent travail à l’Assemblée nationale et le PQ a proposé deux demandes pertinentes, l’une portant sur le registre des baux, l’autre sur la construction de 45,000 logements soit 37,000 de plus que prévus par la CAQ.
S’il est utopiste de croire que le militantisme peut stopper la machine Caquiste, il peut à tout le moins alerter la population sur les stratégies affairistes d'un gouvernement qui n’a pas fini de nous faire rager !
René B.
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Pour ceux et celles qui doutent des intentions de la CAQ
Logement social La CAQ pénalise Montréal et les plus démunis
L'ensemble du parc de logement social est négligé, même les HLM, avec deux milliards en caisse.
Les maires de 14 municipalités réclament un registre des loyers à Québec
Le PIB n'est pas la meilleure façon de comparer les écarts de richesse entre les provinces.
«Mais en faisant des calculs pour introduire ce que l’économiste et professeur émérite de l’UQAM Pierre Fortin appellerait une parité interprovinciale du pouvoir d’achat, le niveau de vie au Québec serait plutôt supérieur (possiblement de quelque 2,5 %) à celui de l’Ontario en 2022, selon une unité de pouvoir d’achat identique. Dans cet exercice de réflexion de Pierre Fortin, l’écart serait plus que comblé.»
Les hausses de loyers 22-23
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