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Nationaliser le terrain et taxer le bâti : une proposition qui aurait du «mordant» pour éviter ces drames humains !

Dernière mise à jour : 11 févr.

En 2019, suite à un périple d’une dizaine d’années en région, (je m’était fait évincé de mon appartement du Plateau) je suis revenu vivre à Montréal.


Pendant que j’effectuais mes recherches pour trouver un logement, je constatais que la conjoncture avait changée et qu’un nouveau paradigme se constituait : rareté des offres de qualité, augmentation des prix (le double, en seulement 10 ans) immoralité de certains propriétaires et l'emprise grandissante de Airbnb sur l’habitation, bref : la pénurie appréhendée depuis des lunes par «à peu près tout l'monde» était d’ores et déjà établie.


Au bout de quelques semaines, j’ai finalement réussi à signer un bail pour un 3 1/2 à Rosemont avec en prime, des proprios sympas et honnêtes, mais il aura fallu bosser très sérieusement ;-)


Avec l’arrivée de la pandémie, la situation du logement s’est dégradée et en 2024, elle est devenue invivable pour des milliers de locataires. C’est pour cette raison que je milite avec les organismes qui luttent pour le droit au logement et que je cherche - même si je ne suis pas un spécialiste en habitation - des solutions à cette problématique qui semble semble être sans issue.


Punir les victimes plutôt que de chercher les coupables


J’emprunte régulièrement la piste cyclable qui longe la voie ferrée appartenant au CN dans l’arrondissement Rosemont. Les campements d’itinérants qui ont été démantelés, je les avais remarqué et à l’occasion, lorsque que les occupants étaient visibles, je leur envoyais un signe de la main pour les saluer.

(*1) Image révélatrice copiée dans un article de La Presse


Ce n’est donc pas sur aux abords d’une piste cyclable que ces pauvres gens devraient installer leurs tentes, mais bien sur le stationnement des immeubles placardés des rues Masson et Beaubien et ce pour une raison fort simple : pour que les gens puissent « voir » et constater l’aberration des politiques actuelles en habitation.


Le trophée de l'indignation en matière de politique d'habitation. Une horreur bien

en vue depuis longtemps sur la rue Masson qui devrait être démolie le plus

rapidement possible pour y construire une trentaine de logements.


Dans ce cas-ci, ce n’est pas le manque de terrains pour construire des logements qui fait défaut, c'est la volonté politique. Lorsque l’on consulte le répertoire des emplacements et terrains vacants de la Ville de Montréal / Arrondissement Rosemont - La Petite-Patrie, force est de constater que sur plus de 300 terrains et bâtiments vacants, une vingtaine ont un superficie minimale de 1 million de pieds carrés. Si plusieurs appartiennent au CP, il en reste sûrement quelques-uns pour y construire des logements.


Et en région est-ce mieux ?


À des centaines de kilomètres de Montréal, deux autres situations fâcheuses qui privent les citoyens de 200 nouveaux logements à un coût raisonnable. D’abord, à Saguenay où il n’y aurait pas de terrain adéquat pouvant accueillir le projet de Mission Unitainés et à Québec, l’organisme a retiré son projet après avoir découvert un milieu humide sur le terrain ciblé.



Nous voici donc au cœur de la problématique actuelle : Pour construire de logements ça prend - d’abord et avant tout - des terrains constructibles et lorsqu’il y en a, les municipalités ne les possèdent pas ou ne disposent pas des fonds requis pour les acquérir !


Un article paru dans Le Devoir soulignait que villes engagées dans le «sprint» final pour obtenir l'approbation de la Mission Unitainés, devaient disposer de terrains compatibles aux besoins des projet pour être sélectionnées.

«Pour être choisies, les villes devaient respecter une série de conditions. Mais la clé, c’était le terrain. Il fallait avoir un terrain disponible, dont elles étaient déjà propriétaires, dont l’emplacement était adéquat. Surtout, il ne fallait pas que les terrains soient contaminés puisque cela risquait de retarder le processus».

Revenons donc à Montréal. La Ville prétend posséder suffisamment de lots vacants pour développer le logement social, mais disposerait-elle de 2 terrains avec des superficies adéquates pour accueillir les 2 projets abandonnés de cent unités par Mission Unitainés ?


Le paradoxe «Québec/CAQ» et les municipalités.


Lors de la campagne électorale de 2021, Valérie Plante promettait de lancer la construction de 60 000 logements abordables (et/ou social ?) sur 10 ans, en utilisant des terrains de la Ville et pour en acquérir de nouveaux, la Ville devrait prêter à des organismes 800 millions de dollars sur 40 ans.


En octobre 2023, le Journal de Montréal titrait : «Il ne s’est jamais construit si peu à Montréal depuis 26 ans». S’il va de soi que l’objectif ne sera pas atteint, notamment pour le logement social puisque le gouvernement Caquiste ne semble pas motivé à investir les fonds requis pour endiguer la crise, la Ville peut néanmoins continuer d’acquérir des terrains pour les sortir du marché spéculatif maintenant, quitte à les développer ultérieurement.


Les conditions actuelles sont favorables pour procéder à des acquisitions. Les propriétaires privés hésitent à se lancer dans de nouvelles constructions car l’offre de condos est abondante et les taux d’intérêt restent élevés. Par l’entremise de son Programme décennal d’immobilisations 2024-2033 (PDI p. 23) Montréal dispose d’un budget de plus de 500 M$ pour les 9 prochaines années, soit environ 50 millions par an. Étant considérée comme «ville mandataire», Montréal dispose des outils administratifs et légaux pour procéder à des acquisitions.


Par ailleurs, il serait intéressant de chercher des opportunités auprès de gestionnaires de fonds fiscalisés. Ce type de financement n’est pas conçu pour l’acquisition de terrains et immeubles vacants mais représente une alternative à explorer pour supporter les villes désireuses d’accélérer les mises en chantier.

«Au lieu de déposer une demande au gouvernement du Québec (par le biais du PHAQ), les offices municipaux d’habitation ou les organismes sans but lucratif déposent leur projet de logements abordables chez Desjardins ou au Fonds de solidarité FTQ, qui choisissent les projets et les supervisent, tout en rendant des comptes à Québec. Le niveau de subventions, le montant du loyer et le seuil maximal de revenu pour être locataire sont calqués sur le PHAQ.» En pratique, Québec paie entre 40 % et 50 % du coût de construction du logement abordable.» (La Presse)

Étant donné que les offices et organismes peuvent recourir à ces fonds pour réaliser des projets, pourquoi ne pas l’appliquer pour l’acquisition de terrains ?


Préparer le «terrain» pour la prochaine et essentielle «Corvée de l’habitation»


Si l’on se fie au sondage Léger de Juin 2024, 32% de l’électorat aurait l’intention de voter pour le Parti québécois et 25% pour la Coalition Avenir Québec (CAQ). Il y a donc de fortes chances que les Péquistes l’emportent et les propositions mises de l’avant par le parti lors du Conseil National sur l’habitation, sont très favorables pour le développement du logement social.


Or, pour qu’un éventuel « chantier national » du logement social puisse démarrer rapidement, le fait que les organismes concernées et/ou les GRT disposent de terrains «constructibles» serait un avantage marquant.


Par ailleurs, dans une publication récente sur mon blogue (Le logement comme projet de société) une section du texte traitait de nationalisation du logement et il se concluait en soulignant la proposition d’un député français visant à nationaliser le foncier pour contrôler la spéculation.


Pour contrer la flambée immobilière, une proposition française…


En 2019, le ministre chargé du Logement, le député Jean-Luc Lagleize a remis un rapport sur l’immobilier à l’assemblée nationale. Il proposait une idée totalement révolutionnaire pour faire face à la flambée de l'immobilier en France (Page 126 : Stopper définitivement la spéculation foncière)


Dans les zones tendues ou fortement soumises aux lois du marché, le terrain ne serait plus vendu au plus offrant, mais nationalisé. L'objectif serait de mettre fin à la spéculation immobilière car un terrain en France peut aujourd'hui représenter plus de la moitié du prix d’un appartement.


J’ignore dans quelle mesure cette proportion convient à l’immobilier québécois, mais l’idée semble très intéressante et vaut la peine d’être commentée d’autant plus que dans les grands centres urbains, ce taux du foncier dans les ville comme Paris peut atteindre jusqu’à 70% de la valeur globale de la propriété.



Ce rapport a donné lieu à la «Loi Lagleize», en voici quelques particularités puisées sur un site français traitant des Droits humains.


Les mesures clés de la loi :

«Créer un Organisme Foncier Solidaire (OFS), ayant pour mission de gérer les terrains et d’accorder des baux emphytéotiques (bail longue durée) aux futurs propriétaires.
Introduire un Droit Réel Solidaire (DRS), qui permet aux acquéreurs de ne payer que le coût du bâti lors de l’achat d’un logement, sans avoir à acquérir le terrain sur lequel il est construit.
Plafonner les loyers des logements construits sur des terrains appartenant à un OFS, afin de rendre ces logements accessibles aux ménages modestes.»

La loi Lagleize poursuit plusieurs objectifs, parmi lesquels :

«Rendre l’accession à la propriété plus abordable : en dissociant le foncier du bâti, la loi vise à réduire le coût d’acquisition d’un logement pour les ménages modestes. En effet, selon une étude réalisée par l’Institut d’aménagement et d’urbanisme (IAU) en 2019, le foncier représente près de 40 % du prix total d’un logement en Île-de-France.
Faciliter la mobilité résidentielle : grâce au DRS, les propriétaires pourront revendre leur bien plus facilement et rapidement. En effet, ils n’auront pas à attendre que leur terrain prenne de la valeur pour vendre leur logement, ce qui favorisera la fluidité du marché immobilier.
Lutter contre la spéculation immobilière : en créant un OFS et en plafonnant les loyers, la loi entend limiter l’inflation des prix du foncier et éviter que certains acteurs ne profitent de cette situation pour réaliser des gains importants.» 

Malgré les objectifs louables de la loi celle-ci suscite également des critiques et des interrogations. Parmi celles-ci :

«Le risque de complexification du marché immobilier : certains experts estiment que la dissociation du foncier et du bâti pourrait rendre le marché immobilier plus complexe pour les particuliers avec des conséquences potentiellement négatives sur la fluidité du marché.
L’efficacité réelle de la loi : d’autres s’interrogent sur l’impact réel de la loi sur les prix de l’immobilier. En effet, si elle permet effectivement de réduire le coût du foncier, cela pourrait être compensé par une hausse des prix du bâti ou une augmentation des loyers.
La gouvernance des OFS : enfin, certains s’inquiètent de la gouvernance des OFS et craignent que ces organismes ne soient pas suffisamment indépendants pour garantir une gestion équitable et transparente des terrains qu’ils géreront.»

À l’instar de la France, ces mesures et objectifs pourraient avoir un impact majeur pour endiguer la crise québécoise marquée par les évictions et la spéculation. Il faudra évidemment prendre en compte les critiques et interrogations avant de l’intégrer à une politique nationale du logement.



Nationaliser le «terrain et/ou le foncier» ?


L’idée n’est pas nouvelle mais n’a pas - de ce que j’en sais - été mise sérieusement de l’avant ou enchâssée dans une loi québécoise même si dans les faits - plusieurs municipalités acquièrent des terrains pour les remettre ensuite aux organismes spécialisés en habitation et groupes de ressources techniques (GRT).


Le mot «nationaliser» est un verbe transitif qui peut se décliner en d’autres vocables selon certains usages : étatiser, collectiviser, socialiser, mutualiser, etc. mais le sens que je souhaite lui donner correspond à la définition suivante sur Wiki :

«Une nationalisation est le transfert d'une propriété privée à une nation, c'est-à-dire à la propriété collective. Une nationalisation est bien souvent une étatisation, c'est-à-dire le transfert d'une propriété à «l’État». Une nationalisation peut toucher des moyens de production, des secteurs économiques, une entreprise en particulier» (ou des terrains et immeubles vacants)

Ce serait donc l’État québécois et non les municipalités qui aurait autorité sur les orientations stratégiques à déployer et ce pour une raison fort simple : une politique nationale du logement (social) ne doit pas être soumise au décisions - souvent arbitraires et conflictuelles - des élus municipaux, notamment dans les villes peu populeuses et les villages.


Par ailleurs, la plupart des municipalités ne disposant pas des fonds requis pour procéder à des achats de terrains, il revient donc à l’État d’investir. Or, plutôt que de transférer les nouvelles acquisitions aux villes, le gouvernement - par l’entremise de la SHQ redéfinie ou du nouvel « Organisme Foncier Solidaire (OFS) » inspiré de la loi française - deviendrait propriétaire et en assure le développement en collaboration avec les instances reconnues, comme pour certaines municipalités avec le programme AccèsLogis.


Il s'agit d'arrimer ce modèle pour les coopératives, OSBL d'habitation et petits propriétaires de Plex qui désirent augmenter l'offre de logements. (Un annexe Multi-logements «sociétal» au fichier PDF est accessible au bas de la page)


Il est sans doute prématuré pour mesurer l’impact de cette législation en France, mais en admettant que l’État québécois songerait à concevoir une « véritable politique du logement social », les principes et objectifs de la loi Lagleize, doivent être sérieusement pris en considération.


Les québécois-ses ont déjà innové dans le passé lors de la nationalisation de l’électricité, de la SAQ, de la RAMQ, etc., pourquoi ne pas tenter l’expérience d’imaginer le concept du «bâti privé et communautaire» construit sur des terrains appartenant à la collectivité.


Une révolution en habitation qui pourrait avoir du «mordant» pour contrer l'actuelle crise du logement et celles qui pourraient survenir dans la futur ;-)


René B.

438 501-2840


(P.-S.) Au Québec un concept législatif s'apparente à la formule OFS, il s'agit de la «Fiducie d'utilité sociale» (FUS) qui s'applique à l'immobilier ainsi qu'au patrimoine bâti et les objectifs restent - pour ainsi dire - les mêmes : exclure un bien du marché spéculatif et en lui scellant une vocation à perpétuité.


Il y a certes des distinctions importantes, mais elles sont de nature juridique. Alors que la Loi Lagleize concerne une régulation spécifique du marché immobilier et se concentre sur la dissociation du foncier et du bâti pour faciliter l'accès à la propriété, la fiducie sociale est un instrument de gestion de patrimoine avec une finalité sociale ou communautaire, tels que le logement abordable et la gestion responsable des biens.


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Références web et textes à consulter



(*1) Image de couverture copiée dans cet article de La Presse : Démantèlement d’un campement dans Rosemont « C’était ma maison »










 
 
 

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