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Une crise du logement qui a été ignorée, voire amplifiée par l’inertie du gouvernement Legault.

Dernière mise à jour : 16 oct. 2023


Une crise qui a été ignorée dans la mesure où le gouvernement Caquiste,

au pouvoir depuis 5 ans, connaissait les problèmes, avait été avisé des solutions

mais a préféré les rejeter en bloc, malgré les avertissements des spécialistes

de l’habitation et organismes communautaires. Un gâchis monumental

qui va prendre des années à se résorber.



Parmi les solutions que le gouvernement Legault aurait pu mettre à profit pour diminuer les impacts de ce désastre pour les gagne-petit, le programme AccèsLogis, qui avait été mis sur pieds par le Parti Québécois pour développer le logement social. Malheureusement, cet outil novateur qui avait fait ses preuves pendant plus de 25 ans, n’a pas été financé adéquatement par les Libéraux, puis par les Caquistes qui l'ont remplacé par le «PHAQ».


Un programme supposément conçu pour développer le logement abordable mais qui dans les faits, est désormais ouvert aux promoteurs immobiliers du privé alors qu'auparavant, il était réservé au secteur communautaire pour construire des coopératives d'habitation et des HLM. Par ailleurs, le nouveau programme se révèle être totalement inefficace, comme en témoigne un article de La Presse : seulement «un seul» projet sur 41 a été financé à Fermont, dans le nord de la Côte-Nord.


En décembre 2022, des groupes de locataires et comités de logement déploraient le fait que des dizaines de logements sociaux étaient prêts à construire, mais seraient bloqués parce que le financement de Québec pour AccèsLogis, n’était pas au rendez-vous.



Dans l'arrondissement Rosemont, les mises en chantier de trois projets avec 180 unités sont retardés par manque de financement pour le programme AccèsLogis et les coûts vont nécessairement augmenter lors de la construction.


AccèsLogis, les préalables


Voici une chronologie des évènements amorcée lors de la création de la Société d’Habitation du Québec (SHQ) en 1967, jusqu’à la mise au rancart de ce programme qui a permis la construction 27 000 unités de logement social (Coopératives d’habitation et HLM) depuis sa fondation, jusqu’à aujourd’hui. Il s’agit d’une synthèse «très» approximative, évidemment.


Dans un document publié en 2017, la Société d’habitation du Québec publie L'habitation à cœur depuis 50 ans, qui décrit les fait marquants de 1967 à 2015.(*1) J’ai tenté d’en résumer le propos qui a été segmenté par les prises de pouvoir des gouvernements provinciaux jusqu’en 2018. J’ai également puisé des renseignements dans l’ouvrage AccèsLogis : les hauts et les bas de la co-construction d’une politique publique 1997-2015, produit pas Les Cahiers du CRISES. (*2)



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Les premières crises du logement reconnues par l'État Québécois


En 1966, l’élection de l'Union nationale dirigée par Daniel Jonson remporte les élections dans un contexte difficile. «Pendant cette période, il y aurait eu un manque de 250 000 à 300 000 logements au pays et le secteur privé ne suffit plus à combler la demande. Peu de promoteurs se risquent à construire des habitations pour les individus à faible revenu, car elles ne sont pas rentables. En conséquence, « un pourcentage assez élevé de la population […] doit se contenter de logements insalubres ou inadéquats» (1* p. 3)


Comme réponse à cette crise du logement, Daniel Johnson (père) lors du discours du trône, lance la Société d’habitation du Québec, le 27 septembre.


Malgré le démarrage plutôt lent de la Société, le nouveau programme réussit à financer 4 387 logements et un total de 16 465 nouvelles unités sont disponibles à la fin de l’année 1973. Entre 1974 et 1986, la construction de nouveaux HLM est l’activité qui mobilise la majorité des ressources de l’organisation. Selon rapport publié en 1975, le Québec compte encore 240 000 mal-logés qui consacrent plus de 25 % de leur revenu à leur loyer.



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1976 Élection du Parti québécois


Dirigé par René Lévesque, la nouvelle formation politique prend le pouvoir pour la première fois, défaisant le gouvernement libéral de Robert Bourassa.


Une année plus tard, c’est la création de Logipop. Le programme offre des subventions à tout groupe de citoyens à faible ou moyen revenu intéressé à se former en coopérative pour acquérir et restaurer des immeubles ou pour construire des logements à l’usage de ses membres.


Le programme octroyait des contrats annuels au réseau des groupes de ressources techniques (GRT)des organismes sans but lucratif répartis dans toutes les villes et les quartiers et employant des professionnel(le)s qui travaillent avec les citoyen(ne)s souhaitant réaliser des coopératives d’habitation.



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Émergence des comités pour la défense du droit au logement.


Fondé en 1977, le Comité logement Rosemont est une organisation populaire qui oeuvre à la défense et la promotion des droits des locataires, au développement du logement social et à l'amélioration de la qualité de vie du quartier.


ainsi que la création du Programme de supplément au loyer.


Au cours de la même année c'est également la fondation du RCLALQ (Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec) qui a été actif sur plusieurs fronts et a livré de nombreuses batailles, que ce soit concernant le contrôle des loyers, l’accès à la justice pour les locataires, la discrimination, l’insalubrité des logements ou la protection du parc locatif


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Pendant l’année où s’est tenu le premier référendum en 1980, c’est la création par le Pari Québécois, de la Régie du logement, une forme de tribunal spécialisé ainsi que le programme Logirente qui se nomme maintenant Allocation-logement. Il s'adresse à des personnes et à des familles à faible revenu qui utilisent une part trop importante de leur budget pour se loger. Vous pouvez bénéficier du programme si vous êtes locataire, chambreur ou propriétaire.


La SHQ lance par la suite Loginove en 1981 et met sur pied le Programme d’aide à l’accession à la propriété résidentielle (PAAPR), qui offre une aide financière aux ménages qui n’ont jamais été propriétaires et création du Ministère de l’Habitation et de la Protection du consommateur. Pierre-Marc Johnson du Parti québécois, succède à René Lévesque.


Les statistiques du programme PAAPR (Programme d’aide à l’accession à la propriété résidentielle) prouvent son efficacité : 14 323 logements coopératifs ont été créés depuis son lancement et plusieurs GRT (Groupes de ressources techniques) sont subventionnés annuellement.


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1986 Robert Bourassa reprend le pouvoir.


Lors de son retour au pouvoir le gouvernement Bourassa décide d’abolir le ministère de l’Habitation et de la Protection du consommateur pour remettre la SHQ et le secteur de l’habitation sous la gouverne du ministère des Affaires municipales.


Lancement du programme de logement sans but lucratif-privé (PSBL-P). Financé par le gouvernement fédéral et par le gouvernement du Québec à la suite de l’Entente-cadre, ce programme a permis à des acteurs privés tels que des coopératives d’habitation et des organismes sans but lucratif, d’obtenir des prêts et des subventions pour la construction et l’exploitation de nouveaux logements sociaux.


En 1987, c’est l’Année internationale du logement des sans-abri. La SHQ se voit confier la gestion d’un fonds de 3,5 M$ permettant à 158 organismes communautaires œuvrant auprès des personnes en situation d’itinérance d’acquérir l’équipement et l’ameublement nécessaires à leurs opérations.


Les libéraux de Robert Bourassa sont reportés au pouvoir en1988 et Daniel Johnson termine le mandat.

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1994 C’est le retour du Parti Québécois avec Jacques Parizeau.


Dans le domaine du logement social, l’année s’est avérée une date charnière puisqu’elle a marqué la fin abrupte de la participation du gouvernement fédéral au cofinancement de nouveaux programmes provinciaux et territoriaux de logement social.


À partir du 1er janvier, le gouvernement fédéral, dirigé par Jean Chrétien se retirait du partage des coûts de nouveaux programmes de logement social initiés par les gouvernements provinciaux et territoriaux. Suite au second référendum perdu, Lucien Bouchard préside le Sommet sur l’économie et l’emploi.


1997 Lancement du programme AccèsLogis


Le ministre des Finances, Bernard Landry, annonce un financement du Fonds québécois d’habitation communautaire (FQHQ) qui sera en même temps le financement du nouveau programme AccèsLogis (ACL) pour une période de 5 ans : « […] nous mettrons sur pied le Fonds québécois du logement social.


Avec les 43 millions de dollars à injecter chaque année, le gouvernement croit rendre disponible annuellement :


- 1 200 logements pour des ménages à faibles revenus

- 500 logements pour des personnes âgées en perte d’autonomie

- 120 logements pour des personnes ayant des besoins particuliers comme les femmes

victimes de violence, les individus atteints d’une déficience intellectuelle ainsi que les itinérants.



Les organismes intéressés à présenter un projet devaient faire appel à l’expertise d'un groupe de ressources techniques en habitation (GRT) ou d'une société acheteuse à but non lucratif reconnue par la Société d'habitation du Québec (SHQ).


Arrivée de François Legault qui devient le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie avant même d'être élu député de la circonscription de Rousseau à l'élection générale québécoise de 1999.


En 1998, le parti Québécois est reporté au pouvoir. Lucien Bouchard démissionne quelques mois plus tard et est remplacé par Bernard Landry en 2001. L’année suivante, c‘est la création du Programme Rénovation-Québec.


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2007 le Parti Libéral reprend le pouvoir avec Jean Charest


En 2011, une étude révèle que les actions de la SHQ contribuent à réduire la pauvreté, à atténuer et prévenir l’itinérance, à favoriser le maintien à domicile des aînés et à offrir un cadre favorable au soutien communautaire.

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2012 Bref retour du Parti Québécois avec Pauline Marois


Entre 1998 et le 31 mars 2014, 33 159 unités de logement ayant été réalisées par l’entremise des deux programmes AccèsLogis (ACL) et le programme Logement abordable Québec (LAQ).


Lors de cette courte période, le rythme de construction n'a pas diminué et s'est maintenu.


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2014 Les libéraux avec Philippe Couillard reprennent le pouvoir


Ce retour des libéraux se résume sommairement avec un fond de rigueur budgétaire comme programme. Il faut toutefois se rappeler que Steeven Harper avait abandonné en 2006, une bonne part du cofinancement de nouveaux programmes de logement social développés par les provinces et les territoires. Ce retrait financier a possiblement amené le gouvernement Couillard à réduire les fonds pour le financement d’AccèsLogis.


Selon l’ouvrage AccèsLogis : les hauts et les bas de la co-construction d’une politique publique 1997-2015 (p.44), «la culture de co-construction qui a marqué l’évolution du programme ACL au cours des décennies 1990 et 2000 connait des reculs à partir de l’arrivée du nouveau gouvernement.


«Le 22 janvier 2015, deux administrateurs démissionnaires écrivent : Le CA ne peut plus s’acquitter adéquatement de son rôle de gouvernance, car il ne sert plus essentiellement, dans les faits, qu’à avaliser les décisions du gouvernement. Dans un tel contexte, la notion d’imputabilité du CA est vidée de son sens ayant pour effet de faire en sorte que la Société d’habitation du Québec n’est plus ! »


«La culture de co-construction qui a marqué l’évolution du programme ACL au cours des décennies 1990 et 2000 connait des reculs à partir de l’arrivée du nouveau gouvernement du PLQ dirigé par Philippe Couillard en avril 2014.»


«Le ministre Pierre Moreau, responsable du dossier de l’habitation, a imposé sans dialogue social, dans son budget d’avril 2015 une diminution de moitié du nombre annuel de nouvelles unités de logement qui seraient construites au cours de l’année 2015-2016.»


De 3 000 logements financés en 2014-15, le nombre diminue à 1 500 une année plus tard. Une importante diminution de 50% qui aura des répercussions pour la suite de ce mandat.


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2018 Le nouveau parti de François Legault, la CAQ, prend le pouvoir


L’arrivée de ce gouvernement ne sera pas bénéfique pour le développement du logement social, bien au contraire. En plus d’avoir tardé à reconnaître la crise du logement à son premier mandat, la CAQ s’est contentée d’investir dans la construction des appartements du programme AccèsLogis «non réalisés» lors des mandats précédents. Selon Legault, « Il y a de l’argent qui est disponible, je dirais même depuis des années, puis qu’on n’arrive pas à dépenser !»


Le manque d’efficacité du système actuel et son opacité avaient d’ailleurs été relevé par le Vérificateur général du Québec dans un rapport déposé à l’Assemblée nationale en octobre 2020. On y constate entre autres un manque de suivi et de rigueur de la Société d’habitation du Québec aux fins de s’assurer de l’intégrité et de l’indépendance des promoteurs. (*3)


En février, 2023, la ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau confirme la mort d’AccèsLogis et abandonne les plus vulnérables au profit d’un nouveau programme d’habitation abordable, le «PHAQ».



Conclusion sommaire


Au cours des années 1995 à 2015, le parc québécois de logements sociaux et communautaires a augmenté de 33 423 nouvelles unités.


Trois programmes gouvernementaux se sont partagés les nouvelles réalisations :


- PARCO avec 1 152 unités réalisées (1995-1997)


- Logement abordable Québec (volet social et communautaire) avec 5 271 unités (2002-2008)


- AccèsLogis avec 27 000 unités (1997-2015)



Influence des gouvernements qui se sont succédés de 1997 jusqu'à maintenant.


S’il va de soi que l’histoire abrégée d’AccèsLogis commence avec le Parti Québécois en 1997 et se termine en 2023 avec la Coalition Avenir Québec, un fait demeure : on semble assister à une alternance constante entre des politiques favorables aux gagne-petit par le Parti Québécois et un désengagement de ces avancées par les Libéraux et les Caquistes.


En effet, le développement du logement social s’est maintenu et accéléré lorsque les Péquistes (Centre-gauche, selon les époques ?) étaient au pouvoir ; stagner, voire diminuer de la moitié lorsque les Libéraux le reprenait (Centre-droite ?) et être éliminé par la CAQ (Supposément Centre mais + à Droite) qui l’a remplacé par le PHAQ, un programme de financement conçu pour avantager les promoteurs immobiliers privés qui - malgré ses prétentions - ne convient pas pour développer le logement social.


Finalement, la négligence des Libéraux et des Caquistes, ont entraîné des centaines de personnes n'ayant plus les moyens de louer des chambres (26% des10,000 sans-logis en situation d'itinérance) à dormir dans la rue. Ajoutons à cette infortune les locataires évincés ou subissant les contre-coups des augmentations abusives qui n'ont d'autre choix que de se ruiner pour payer des logements trop petits ou insalubres.


Et cette crise est loin d’être terminée : selon le FRAPRU, il faut construire 50 000 logements sociaux en 5 ans (10,000 par année), incluant un nouveau programme de HLM. Quant à la SCHL, pour espérer rétablir «l’abordabilité» d’ici 2030, le nombre de logements à construire pour le Québec est évalué à 620 000 unités et ce, dans un contexte de pénurie de main-d’oeuvre. C’est sûrement pas pour demain que l’on va assister à des pendaisons de crémaillère à grande échelle...


René B.





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Revue de presse concernant AccèsLogis en provenance du site web du FRAPRU et autres sources



Revue de presse 2022-2023 (Liste complète sur le site du FRAPRU)


Le FRAPRU demande des engagements immédiats en faveur d’AccèsLogis


Ça prend AccèsLogis!



24 mars 2023: Tintamarre pour AccèsLogis


La ministre responsable de l’Habitation a annoncé cette semaine son intention de mettre fin au programme AccèsLogis pour le remplacer par le Programme d’Habitation abordable Québec (PHAQ).


Vers une fin des logements sociaux au Québec?


Non! Ce n’est pas un poisson d’avril!


Logement social : c’est la faute à… Québec !



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Propositions adoptées lors du dernier Congrès du FRAPRU, dont certains éléments du texte initial ont été retranchés pour se concentrer sur le financement adéquat du programme AccèsLogis.


«Que la priorité de l’année 2023-2024 cible le gouvernement du Québec, afin qu’il finance adéquatement le programme AccèsLogis ou tout autre programme de logement social complet, pérenne et dédié uniquement au logement social, dans une perspective de socialisation du parc de logement locatif.


Qu’en 2023-2024, le FRAPRU :


1) réaffirme ses demandes auprès de Québec d’un grand chantier de 50 000 nouveaux logements sociaux en 5 ans, dont 20 000 HLM, ainsi qu’un programme d’acquisition et de rénovation pour socialiser des bâtiments résidentiels locatifs;


2) revendique que le Programme d’habitation abordable – Québec (PHAQ) soit modifié afin de ne pas financer le secteur privé, de prévoir des fonds de démarrage, de prévoir les mêmes cibles de ménages locataires à faible revenu qu’AccèsLogis et que la contribution financière gouvernementale représente 50 % des coûts de réalisation.»


Source : Comité logement Rosemont.





 
 
 

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